Une proposition nous a été faite de publier un article sur l'annuaire d'articles Dmoz. Pour y répondre, nous avons rédigé un texte pour expliciter notre choix de favoriser la sylviculture irrégulière comme mode de gestion écologique des
forêts. Ceci nous a permis de formuler clairement nos visions scientifiques et techniques en faisant un effort de vulgarisation. Cet article vient d'être accepté par le comité de relecture de
Dmoz et nous vous le proposons ci-dessous. Il est ici agrémenté de différentes photos de futaies irrégulières.
http://www.dmoz.fr/economie/la-sylviculture-irreguliere-une-gestion-forestiere-ecologique/
Une forêt est un écosystème très riche du fait du grand potentiel d’habitats qu’il possède. En effet, les arbres qui le structurent permettent à cet écosystème de se développer en hauteur sur plusieurs dizaines de mètres. Donc le volume et la diversité des habitats disponibles pour les différents organismes vivants (végétaux, animaux, champignons, bactéries, etc) sont d’autant plus grands. Comme la plupart des écosystèmes terrestres, son véritable capital est son sol (« terre » présente entre la roche et la surface) qui fait figure de réserve de matière organique et lui fournit une résistance aux éventuels accidents qui peuvent survenir (incendie, tempête, sècheresse). Ce sol qui peut parfois mettre des milliers d’années à s’accumuler, a besoin pour se maintenir en bon état de la végétation qui le recouvre. Ainsi les racines tiennent le sol, les végétaux et les feuilles le protègent du ruissellement et de l’érosion, la forêt maintient un microclimat sous la canopée des arbres. En effet, en forêt il ne fait jamais vraiment sec et il n’y a jamais vraiment de vent.
Après cette introduction très simplifiée de ce qu’est un écosystème forestier, vous comprenez facilement l’importance cruciale de garder constamment des arbres sur pied sur une parcelle forestière et de ne jamais « mettre à nu » le sol forestier. C’est-à-dire de ne jamais avoir de période où tous les arbres sont coupés (« coupe rase » ou « coupe à blanc »). Cette pratique est extrêmement nuisible bien que transitoire. Vous imaginez bien qu’entre « avant » et « après » cette coupe, l’écosystème est radicalement détruit et souvent complètement remplacé par un écosystème différent et pas forcément adapté. Par exemple cela peut-être une plantation pure de résineux sur une grande surface (uniquement des arbres de la même espèce de sapin). Certes d’autres espèces d’êtres vivants s’y trouveront fort aise mais la diversité et le sol s’en trouveront très affaiblis.
Ce modèle productiviste consiste dans le pire des cas à couper tous les arbres sur une grande surface, à détruire les souches, à broyer le sol sur 20 cm, à planter en ligne des plants (petits arbres) élevés en pépinière puis à entretenir (broyer) régulièrement entre les lignes de la plantations, etc. Ce modèle est donc évidemment très créateur d’emploi (à chaque étape) et est logiquement très largement promu. Il est à noter tout de même que ce modèle a été banni dans les forêts publiques allemandes depuis plus de 20 ans…
Avec ces éléments à l’esprit nous arrivons donc à aborder ce que peut-être une sylviculture (culture des arbres) écologique. Nous précisons tout de suite que nous sommes très pragmatiques, absolument pas dogmatiques et tout à fait intéressés par le rendement de la forêt afin d’en vivre (rendement toujours faible dans l’absolu en comparaison avec d’autres secteurs : TRI(1)~ 2-4%). Il n’est pas ici question de « naturalité » de la forêt, l’immense majorité des forêts d’Europe est fortement marquée par la main de l’homme et depuis plusieurs siècles. Ce mode de gestion l’assume complètement ainsi que le fait de façonner la forêt afin que les humains puissent utiliser les arbres de manière diverse et noble, autant que faire se peut.
Ainsi nous appliquons dans la mesure du possible une sylviculture qui tient compte du fait que le vrai capital productif de la forêt est l’écosystème et le sol. Nous récoltons donc progressivement les arbres en ayant en permanence un couvert forestier présent. Pour ce faire il faut donc à termes disposer d’arbres de toutes les tailles simultanément : arbres de quelques années appelés « semis » qui forment « la régénération naturelle », de jeunes arbres de quelques dizaines de cm de diamètre, d’arbres moyens de 30 à 50 cm de diamètre et ainsi de suite jusqu’à 80 cm de diamètre. Cette taille est la limite acceptée par la plupart des installations des scieries françaises. Ces arbres peuvent êtres répartis selon une mosaïque de surfaces de 0,5 hectares par exemple (carré de 70 mètres de côté) ou encore complètement mélangés (« pied à pied »). L’ensemble de ces modes de gestion sont appelés « futaie irrégulière », la futaie désignant l’ensemble des arbres et irrégulière précisant qu’ils sont d’âges/diamètres différents. Ceci s’oppose à la « futaie régulière » décrite précédemment dans le modèle productiviste où tous les arbres ont le même âge puisque tous plantés en même temps. La gestion en futaie irrégulière ou "à couvert continu" permet de toujours garder un couvert forestier et un écosystème fonctionnel avec une intégrité et une résilience forte. A cela il est possible de rajouter quelques ficelles du métier et quelques bonus : canaliser le passage des machines (porteurs et débardeurs qui viennent ramasser les troncs abattus pour les amener en bord de route) sur des tracés balisés et fixes (chemins d’exploitation ou cloisonnements) afin de tasser les sols sur des surfaces les plus réduites possibles; intervenir par temps sec pour réduire drastiquement ces tassements ; garder des (gros) arbres morts au sol et sur pied qui servent de réserves d’eau et de biodiversité. Il est clair que ces modes de gestion sont techniquement plus complexes et nécessitent des personnels formés. Pour autant toutes les nouvelles générations de techniciens forestiers français sont capables de le faire.
Même sur le court terme les rendements de ce mode de gestion sont au moins aussi productifs voire plus que la méthode dite « productiviste »(2). Cela se comprend intuitivement par le fait que la croissance des arbres est dépendante de l’énergie lumineuse qu’elle reçoit (photosynthèse). La surface de réception de la canopée d’une futaie régulière est plate et est donc moins importante que celle d’une futaie irrégulière présentant des creux et des bosses. De plus les risques sont moindres car la monoculture est structurellement fragile face aux tempêtes comme en 1999 (risque climatique) et biologiquement risquée car elle attire les ravageurs (risque sanitaire). La sylviculture « écologique » réduit fortement les investissements au départ, ce qui lui permet largement de rivaliser en rentabilité finale avec des revenus plus réguliers (tous les 7-15 ans). Au-delà de tous ces arguments techniques et économiques, une forêt est d’abord et surtout un bel endroit où l’on aime se promener et où l’on se sent bien, un écosystème vivant auquel on s’attache.
(1) TRI : Taux de Rentabilité Interne (d’un placement) = pourcentage de bénéfice annuel par rapport au capital investi
http://fr.wikipedia.org/wiki/Taux_de_rentabilit%C3%A9_interne
(2) http://www.crpf.fr/Bretagne/pdf-information/Futaie-irreguliere.pdf
http://www.agroparistech.fr/coursenligne/sylviculture/Jardinage.pdf
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Jean Renaud LE MILON (jeudi, 29 janvier 2015 14:44)
Votre article sur la forêt irrégulière est très intéressant et présente une forte ressembnlance avec ce que nous faisons dans les forêts tropicales d'Amérique Latine avec la re-création de forêts mixtes équilibrées dans un contexte de croissance accélérée des arbres du fait de l'humidité et de la chaleur. Merci de cette présentation.
Rouleau Isabelle (mercredi, 14 septembre 2016 11:03)
bonjour, je réside actuellement en Limousin où les coupes rases dédiées à International paper et l'envoi en contenner du bois en Chine (déforestation acquise) me désolent d'autant que je tente désespérément de faire entendre l'utilité d'associer le jardin à la forêt (indissociable) en proposant des services de conseil en développement de jardins naturels auto-fertiles et médicinaux... Je me joindrais volontiers à votre entreprise s'il était possible de l'envisager...
Avenir Forêt (mercredi, 14 septembre 2016 16:56)
Bonjour
Prenons contact via le formulaire ci-dessous ou par email afin de voir ensemble ce qui est envisageable:
http://www.avenirforet.com/contact/
avenir.foret@gmail.com
Squelbut (jeudi, 14 janvier 2021 15:45)
Bonjour
J'ai été très intéressé par votre présentation et surtout j'approuve les principes écologiques, économiques que vous mettez en œuvre dans votre groupement forestier.
Je souhaiterais donc devenir associé. Et comme je suis âgé, je me pose la question de le faire pour mes enfants (40 ans, 34 ans, 32 ans), vous me direz si c'est une bonne idée ou non.
Avant de terminer, indiquez-moi sommairement si vous sollicitez la participation de vos adhérents et comment.
Finalement, comment faut-il procéder ?
Merci de l'attention portée à mon message.
JP Squelbut
Avenir Forêt (jeudi, 14 janvier 2021 16:18)
Bonjour
Faites nous un email à "avenir.foret@gmail.com" svp
Matthieu JEUSSET (mercredi, 10 août 2022 18:31)
Bonjour,
J'ai découvert récemment votre groupement forestier et suis intéressé par votre démarche.
Je suis propriétaire d'une parcelle forestière d'1 hectare en Morbihan (56 - à 30 km de Vannes), ce qui est peu en soi, mais souhaiterais participer à une démarche comme la vôtre. Et solliciter alentour des agriculteurs susceptibles de céder leurs forêts dans cette logique.
Mon projet peut-il s'inscrire dans votre démarche ?
Merci pour votre réponse,
Cordialement,
MJ
MARTENS CHRISTOPHE (vendredi, 09 décembre 2022 21:20)
un grand merci à avenir forêt qui gère la forêt dont elle est responsable comme toute forêt devrait être gérée à l'avenir. (protection des sols, recherche du maintien de l'humidité, essences diversifiées, coupes rases proscrites, feuillus indigènes et donc habitués aux conditions climatiques comme le hêtre et le chêne indigène, bois mort couchés et debouts etc etc).
Etant Belge, je ne vais pas investir dans votre association car je fais un peu la même chose que vous dans les Ardennes Belges...
Bonne chance et parvenez à votre objectif des 1000 hectares!
Christophe